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Regards croisés sur la nouvelle directive européenne eau potable

Regards croisés sur la nouvelle directive européenne eau potable

Publié le 17 février 2021

Publiée au Journal Officiel depuis quelques semaines, la nouvelle directive européenne eau potable aura des répercussions sur le service de l’eau en France dans les années à venir.

Décryptage avec deux experts de SUEZ : Denis Bonvillain, Directeur délégué aux Relations institutionnelles Europe SUEZ, et Pierre Pieronne, Référent national « Production / Qualité eau potable » – Direction Technique SUEZ Eau France.
Cette nouvelle directive marque une étape et va orienter les politiques de l’eau dans les années à venir. Elle compte quatre grands types de mesures outre l'amélioration de l'accès à l'eau : une adaptation aux normes les plus récentes des paramètres à suivre pour assurer la qualité de l'eau, un meilleur accès des consommateurs aux informations récentes, l'instauration d'une approche fondée sur l’évaluation et la gestion des risques, du captage au robinet. Enfin, la révision du cadre applicable aux matériaux entrant en contact avec l'eau potable.

La première directive européenne eau potable date de 1998, pourquoi une nouvelle directive sur le sujet ?

Denis Bonvillain : La commission européenne a décidé de réviser la directive eau potable principalement pour trois raisons : premièrement pour des considérations scientifiques, afin de mettre à jour des paramètres notamment sur certains polluants émergents, deuxièmement pour des considérations politiques en réponse à la première pétition européenne « Right2Water » demandant un meilleur accès et droit à l’eau ainsi que plus de transparence des services de l’eau, et enfin pour des considérations de développement durable, en effet la commission européenne souhaite faire la promotion de l’eau du robinet et ainsi contrer la consommation grandissante d’eau minérale en bouteilles plastique.

D’ici combien de temps cette directive sera-t-elle retranscrite dans le droit Français ? et quels sont les étapes dans le processus de transcription ?

Denis Bonvillain : Officiellement entré en vigueur mi-janvier 2021, la France dispose d’un délai de deux ans pour transposer les obligations dans le droit français, au travers d’un décret d’application. On peut d’ores et déjà noter que certaines obligations entreront en vigueur d’ici plusieurs années afin de donner plus de temps aux opérateurs. Une question reste ouverte à cette heure : la France décidera -t-elle de surtransposer cette directive, en d’autres termes de renforcer certaines obligations ?

Quels sont les points clés de cette nouvelle directive ?

Pierre Pieronne : Les modifications apportées par la nouvelle directive Européenne Eau Potable peuvent être classées en cinq catégories :
- La mise à jour des paramètres liés à la qualité de l’eau potable
- La maîtrise des risques pour garantir la qualité de l’eau potable
- La maîtrise des pertes en eau dans les réseaux de distribution
- Une meilleure information du public
- Une amélioration de l’accès à l’eau pour les populations vulnérables et marginalisées.

Pour chaque catégorie je vais vous expliquer plus en détails les changements et leurs impacts sur le service de l’eau en France, à noter que les principaux critères sont ceux liés à la sécurité sanitaire.
De nouveaux paramètres liés à la qualité de l’eau potable ont été introduits en général ils auront peu d’impact sur nos activités en France. Il faut néanmoins prêter attention à certains paramètres comme les chlorates, qui sont des sous-produits de désinfection, et les perfluorés. Les perfluorés sont des molécules industrielles que l’on retrouve à l’état de traces pratiquement dans tous les milieux aquatiques, mais qui ne devraient pas poser de problème pour la production d’eau potable, à l’exception éventuelle de zones avec des pollutions très localisées. Ces composés perfluorés ne sont pas inconnus pour nous, en effet le CIRSEE, Centre de recherche de SUEZ, conduit depuis plusieurs années des études sur leurs traitements et analyses.
Pour certains paramètres, le sélénium, l’antimoine et le bore, la concentration maximale va être relevée, ce sera donc moins strict et les conséquences sur la production d’eau potable seront très limitées. Quant au chrome et au plomb leur concentration maximale va être baissée. Leur présence dans l’eau est liée aux matériaux (tuyaux, vannes, compteurs) qui contiennent des alliages en laiton notamment pour le plomb. Pour respecter la future réglementation, les équipements ne devront pas contenir de plomb ou très peu, ils devront être fabriqués avec des alliages beaucoup plus purs ou en plastique. Un délai de 15 ans est prévu pour remplacer ces équipements.

Cette nouvelle version de la directive européenne introduit une notion de démarches préventives et de maîtrise des risques obligatoires pour garantir la qualité de l’eau potable. Les collectivités en charge du service de l’eau devront réaliser des études de risques sur l’ensemble du système d’approvisionnement, de la ressource jusqu’au robinet du consommateur. La première étude devra être faite dans un délai maximal de six ans après la transcription de la directive dans le droit français, et renouvelée régulièrement. Afin de maîtriser les risques sanitaires liés aux matériaux utilisés, une liste, unifiée au niveau européen, des matériaux autorisés pour être en contact avec l’eau potable sera mise en place. Elle permettra de faciliter l’achat des équipements venant de tous les pays européens sans avoir recours à des autorisations nationales comme c’était le cas avec la précédente directive.
D’autre part, la directive souhaite répondre aux préoccupations croissantes du public concernant les effets sur la santé humaine avec un suivi de paramètres émergents dans les eaux brutes faisant partie d’une liste de vigilance, non exhaustive, qui comprend les perturbateurs endocriniens, les résidus médicamenteux et les microplastiques.

La directive imposera également une maîtrise des pertes en eau dans les réseaux de distribution, toutefois la réglementation en vigueur en France impose déjà cette maîtrise, SUEZ met à la disposition de ses clients AQUADVANCED® Réseaux d’Eau, logiciel innovant et modulaire capable de surveiller en temps réel le réseau d’eau potable et de détecter toute anomalie. L’impact pour nos exploitations sera donc limité.
La révision de la directive découle en partie de l’initiative européenne « Right2water », elle introduit à ce titre une nouvelle catégorie d’obligations visant à mieux informer le public, notamment en communicant de façon transparente auprès des consommateurs sur le prix de l’eau, la consommation ... SUEZ propose déjà une information régulière à ses clients particuliers, avec la facture d’eau ou via le site www.toutsurmoneau.fr. La directive souhaite également que la communication vis-à-vis des collectivités soit plus transparente, en France les Rapports Annuels du Délégataire répondent déjà à cette exigence.

Dernier point de cette révision de la directive : la demande d’attention supplémentaire pour améliorer l’accès à l’eau potable aux populations vulnérables et marginalisées. Aujourd’hui rien n’est défini précisément dans la directive, mais les moyens d’approvisionnement alternatifs pourraient être des camions-citernes ou des fontaines publiques par exemple.

Cette nouvelle directive eau potable dépasse largement les seules compétences de la Direction Générale de la Santé, il y a donc fort à penser qu’un comité interministériel incluant les ministères de la Santé, de l’Environnement, des Affaires Sociales et de l’Aménagement du territoire soit mis en place pour procéder à la transposition de cette directive en droit français.

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